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15 juillet 2012

Onmyouza - Kishibojin

Pensez aux pulls. Ce n'est pas qu'il fasse froid ici, mais on frissonne de plaisir mélomane !

Du fond des limbes s'élève un air de piano, repris par les guitares d'un groupe de heavy metal teinté d'enka qu'on n'attendait plus. Le préfixe Kumikyoku : Kishibojin apposé à chaque piste vous rappelle que vous écoutez une suite musicale délicatement intitulée "La mère des démons mangeurs d'enfants". Bienvenue dans le dernier concept album d'Onmyo-za dont Gan-Shin nous propose enfin d'acquérir la version numérique à l'approche de l'été !

Kishibojin

L'auditeur est ainsi directement happé par Shuushuu qui introduit cette galette toute fraîche. Une introduction de celles dont la formation n'est pas spécialement coutumière, une atmosphère brumeuse et oppressante y laisse place à un air de piano qui s'élève crescendo, laissant ensuite le groupe au complet, guitares hurlantes de Karukan et Maneki en tête, se charger du travail. La belle Kuroneko lâche un premier soupir, le dernier de ce court morceau... "Hana !" Bienvenue chez les fous.

Il est toujours difficile d'amener une thématique nouvelle et Matatabi a choisi pour enchaînement à cette introduction mystique une composition finalement plutôt habituelle. Il n'en sera rien par la suite, il faut avouer que la mixité n'est pas uniquement vocale pour cet opus : quelques nappes de clavier très discrètes teintent le heavy metal du groupe. Samayoi se voit imprégné d'une très belle mélodie comme rarement on en avait vue dans une composition musclée d'Onmyo-za. Tora, après dix ans de bons et loyaux services, a été remplacé aux fûts par Atsushi Kawatsuka au grand regret des fans, mais celui-ci fait preuve d'un jeu d'une dimension et d'une puissance égale, sans toutefois effleurer par trop de violence la tendresse des mélodies, et Matatabi impose son jeu de basse sur une corde sans faiblir dans ses parties vocales. Après ce titre plutôt commun, le groupe amène un véritable renouveau à son répertoire en reprenant cependant une architecture à laquelle l'auditeur averti est bien accoutumé. Ubugi laisse le champ libre à Kuroneko qui démontre l'étendue de ses capacités vocales : sur des accords lourds directement liés à ceux qui posaient la fin de Samayoi, ce morceau en mid-tempo, comme à l'accoutumée avec les titres puissants où figure la chanteuse, erre entre ballade et heavy, très sombre. Après cela difficile de savoir où l'on est. Kishibojin est aiguisé comme un rasoir et le fil rouge de sa lame tranche au millimètre, à tel point que les pistes s'enchaînent sans fin. Que ce soit par des soupirs, des riffs brutaux ou des voix résonnant au loin, la folie, la peur et la rage se détachent particulièrement des morceaux. La voix de Kuroneko se fait reproche, les choristes des créatures bestiales et Matatabi au chant, sombre et torturé, semble constamment tiraillé entre humain et démon. Enfin, Maneki et Karukan exécutent des lignes de technicité et de musicalité assez époustouflante, prenons pour exemple le morceau éponyme de l'album qui en son sein développe un solo très concept, en trois parties.

Mais Onmyo-za n'a pourtant pas complètement délaissé le chant enka et Oni Kosae no Uta le prouve. La "chanson de la conception des démons" (absolument) est un chef-d'œuvre de heavy et de musique traditionnelle nippone. Imaginez une ronde d'enfants dans une rue et un piccolo qui joue à l'arrière plan. Qui a pensé au joueur de flûte de Hamelin ? Lorsque l'enka de la voix de Kuroneko résonne, les paysages se dessinent aussitôt dans votre esprit. Des pagodes, un dragon de carnaval défile dans une rue en fête... et soudain le silence. La foule laisse place à un riff vengeur, les chœurs scandent des imprécations à base de "Oni", difficile de ramener l'esprit de fête au milieu de la folie qui régne. Les démons semblent étriper les enfants dans la rue sur un mid-tempo d'effroi. La chanson ne s'apaisera pas, tronquée au faîte de sa violence. Les deux ballades consécutives qui suivent font figurer au chant Kuroneko pour Gekkou, qui s'ouvre sur des nappes de piano au milieu d'une ambiance onirique. Soutenue par une ligne de basse mélodieuse au possible que feu Taiji Sawada n'aurait sans doute pas reniée, elle introduit la chanson suivante contée par Matatabi. Zakuro to Jubaku livre la plus belle ballade de l'album sinon du groupe : accompagné d'une guitare sèche et de nappes de clavier en arrière-plan, le bassiste vole l'espace d'une courte minute sa place à Kuroneko, pour ce qui se révèlera le morceau le plus long de l'album, avec un solo à la guitare acoustique qui fera date. Et ces frissons !

Enfin, l'outro de l'album est la véritable surprise, un exercice de style bien sympathique. Sur fond de fête d'Oni Kosae no Uta qui marquait la fin de Kourui et semblait si bien boucler le concept, elle reprend note pour note la musique d'introduction. Le soupir de la belle nous livre finalement la suite du morceau, épique à n'en plus pouvoir ! Menaçante, la voix de la chanteuse s'empare de toute la violence dont était empreint l'album et ne laisse à Matatabi pour toute expression que la quatre-cordes, rôle qu'il tient en livrant une ligne de basse violente et tourmentée à souhait. Ce Kikoku qui clôt l'album en est immanquablement LE meilleur morceau, sinon LE meilleur de tout Onmyo-za ! L'opus se terminera ainsi sur les mêmes nappes de piano, la même atmosphère oppressante, subitement interrompue, vous laissant sur un nuage d'incompréhension et il faut bien l'avouer, un besoin compulsif de le réécouter. Malédiction !

Partagé entre heavy metal et expérimentations plus symphoniques, Onmyo-za s'offre une seconde jeunesse avec cet album sans se séparer complètement de l'enka qui a fait sa force. L'enchaînement des parties de chant entre Kuroneko et Matatabi est d'une fluidité à se damner avec plaisir, c'est ainsi avec la même émotion que l'on retrouve leur voix, comme deux amis qu'on n'aurait pas vus depuis longtemps, et les soli du duo de choc que forment Maneki et Karukan vous laisseront certainement bouche bée. Avec toujours Matatabi à l'écriture et la composition, Onmyo-za revient pourtant complètement rajeuni mais bien planqué au fond des ténèbres, en proposant des mélodies d'une noirceur rarement vue auparavant et une mise en scène de piste en piste admirable : le Démon a semble-t-il fini par emporter l'âme de l'unique compositeur. Entre brûlots heavy metal ponctués de chœurs hurlants et de chants menaçants, mid-tempos plus tendres et pourtant aussi meurtriers et ballades beaucoup plus posées, cet opus se finit d'une seule traite comme une symphonie de métal de soixante minutes à l'effet In your face indéniable. Ne serait-ce la partie centrale de l'album, caractérisée par deux ballades consécutives, Kishibojin apparaîtrait comme un digne héritier des Démons de Seikima-II figurant dans Kyoufu no Restaurant, l'œuvre la plus violente de la formation. Si avec ça on arrive encore à qualifier la musique d'Onmyo-za de visual kei, je me fais démon mangeur d'enfants. Paraît-il que ça rend immortel.

Chronique ré-écrite pour JaME.

NB. Le label européen Gan-Shin a publié Kishibojin en version numérique dans toute l'Europe le 20 juin.

3 commentaires:

  1. Ton blog devient design, c'est la classe \o/

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  2. Merci !

    Vive les cours de codage html/css ! Et encore, je bosse sur une plateforme offline en ce moment, c'est autre chose, je te montrerai deux/trois screens quand ce sera un peu plus bouclé (mais je garde l'aspect sépia qui va bien, ça fait sobre et classouille !)

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  3. Avec la santiag en fond, que l'on voit que si on plisse les yeux, tel le chasseur chassant sa proie XD

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